lundi 12 avril 2010

Perceval le fou

Jamais à court de bonnes lectures, Laureline brandit le livre qu’elle est sur le point de terminer et qu’elle a déniché dans ma bibliothèque. Il s’agit du récit autobiographique de John Perceval.


John Perceval était le cinquième fils d’un premier ministre d’Angleterre qui mourut assassiné. Il devint fou vers la fin de l’année 1830 et fut interné dans différents hôpitaux jusqu’en 1834. Travaillé par des questions religieuses, il était sujet à des hallucinations visuelles et auditives ; il devait obéir à des voix dont il apprit peu à peu à se libérer, notamment parce qu’elles étaient inconstantes et lui donnaient des ordres parfois contradictoires. Ces voix très souvent punitives jouaient sur un sentiment puissant de culpabilité et un excès de scrupules.

Dans son témoignage détaillé, le récit de sa folie laisse très vite la place à des griefs contre sa famille et contre l’institution psychiatrique de l’époque qui ont selon lui contribué à le maintenir dans un état de déréliction ayant aggravé son état. Il se plaint longuement de l’attitude des médecins et des « domestiques » (aides-soignants) à qui il eut affaire dans ces institutions qui étaient tout de même les meilleures de l’époque.

On se dit que les choses n’ont guère changé même si les neuroleptiques ont remplacé la camisole et les bains froids. Les traitements d’aujourd’hui, comme ceux d’hier, conduisent toujours à réduire le sens de la responsabilité du malade, émousser le sentiment qu’il a de sa propre valeur. On rudoie de moins en moins les malades mais on les infantilise toujours. La perte de l’identité est une des pires expériences qui soient et l’hospitalisation continue à y contribuer activement.


- un des points intéressants à propos de son cas, me glisse Laureline tout sourire, c’est qu’il est bel et bien parvenu à guérir. En tout cas il y a eu certainement rémission. Du coup, ses jérémiades permanentes m’agacent, il ne cesse de faire le compte mesquin de toutes les avanies qu’il a eu à subir alors qu’il devrait passer à autre chose, se contenter de vivre à plein. En même temps, je comprends qu’il éprouve le besoin d’expliquer tout cela, de se libérer.

Je réponds, pas très inspiré :

- L’amour-propre nous fait souvent perdre beaucoup de temps

Sans m’écouter, Laureline poursuit ses réflexions :

- Je suis persuadée que ce qu’on appelle la santé mentale de la majorité se nourrit de la folie de quelques-uns. La raison des uns a besoin de la folie des autres. Ce qu’il dit sur la manière dont l’institution le maintient dans sa folie, il devrait l’analyser à plusieurs niveaux.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire